Quitter la dépendance affective

Ou partir à la conquête de Soi!

24 Juin 2019

En avoir marre d’être seul(e), avoir envie de rencontrer quelqu’un pour partager sa vie, pour être parfois soutenu(e) mais aussi pour partager des moments agréables ne constituent pas des symptômes de dépendance affective. Nous sommes dans une société où paradoxalement on développe les moyens de communication (smartphone, réseau sociaux, infos transmises instantanément) mais où on a de plus en plus de mal à relationner véritablement…

La dépendance affective se caractérise avant toute chose par le fait de se sentir anxieux quand on est seul ou même à l’idée d’être seul. On est véritablement dépendant de la présence d’une personne près de nous pour être bien, comme certains ont besoin d’une cigarette pour être apaiser par exemple. D’ailleurs, le dépendant affectif a besoin d’un tiers pour prendre une décision : il a systématiquement besoin de conseil ou de la validation de quelqu'un avant de poser des actes pour lui. C’est la raison pour laquelle il a des difficultés à entreprendre et à faire des choses par lui-même. Souvent il va même jusqu’à s’en remettre à quelqu’un (conjoint, famille, amis) pour assumer l’organisation et les responsabilités dans les domaines importants de sa vie (revenus, gestion administrative, santé, gros achat, organisation domestique…). On voit souvent dans certains couples, l’un des partenaires qui ne suit absolument pas la gestion financière du ménage. Il travaille, participe à la richesse du foyer mais ne se préoccupe pas du tout de la façon dont cet argent est géré… On reconnait aussi le dépendant affectif par son besoin récurent d'approbation et de réconfort: « Tu m'aimes ? », « Tu penses à quoi ? », « Tu étais avec qui au téléphone ? », comme s’il avait toujours, toujours et encore le besoin d’être rassuré que l’autre ne le laissera pas. C’est d’ailleurs par crainte d’être rejeté, exclu, ou laissé qu’il évite les conflits et les désaccords. Le dépendant affectif est toujours de votre avis ! Par crainte de décevoir l’autre, il ne sait pas poser le "non". Il se sent obligé de satisfaire les demandes et les besoins d’autrui sans en analyser la légitimité. Il est incapable de poser et défendre ses propres limites, il se laisse envahir, voire piétiner. Et c’est en cela que la dépendance affective engendre la souffrance chez le sujet. 

Ce besoin permanent de la présence et de l’attention de l’autre est nocif pour la relation (qu’elle soit amoureuse, amicale, professionnelle). Pour sortir de la dépendance affective, la chemin passe inévitablement par la (re)construction de la confiance en Soi et l’émancipation du regard de l’autre.

"Si nous ne nous donnons pas à nous-même une appréciation mesurée et juste, nous risquons bien de passer notre vie à quêter désespérément auprès des autres une appréciation démesurée." - Thomas d'Ansembourg.

Où s’enracine la dépendance affective ?

A mesure que nous grandissons (entre 0 et 25 ans environ), nous activons 3 niveaux de personnalité qui sont l’enfant, l’adulte et le parent. L’enfant est un être vulnérable, peureux, innocent et qui a besoin d’être protégé par un parent. Puisqu’il est incapable de satisfaire ses besoins, il est dépendant de l’amour de ses parents. Il est en recherche perpétuelle de cet amour car il imagine que s’il faisait « mal », ses parents ne l’aimeraient plus et ne s’occuperaient plus de lui. Son monde se limite à ses parents. L’enfant imite les parents ou fait ce qu’il croit percevoir comme les attentes et exigences de ses parents. Dans les 2 cas, l’enfant n’est pas vraiment « lui » : il joue un rôle qui plait, apaise ses parents, ses éducateurs.

En grandissant, il prend de la force, organise sa pensée, et développe son autonomie de penser et d’agir.  L’enfant se sociabilise, rencontre d’autres gens et prend conscience qu’il est possible d’être aimé par d’autres personne (que ses parents) pour ce qu’il est vraiment, sans avoir à satisfaire ce qu’on attend de lui. Il s’émancipe de l’idée de la nécessité d’être absolument aimé de ses parents. L’adulte ne recherche plus le consentement d’un tiers : il fait ce qui lui plait et refuse ce qui le déplaît.

Puisqu’il est devenu assez fort et intelligent pour satisfaire ses besoins matériels, il devient un être égoïste qui pose des actes pour lui, indépendamment de ce que pensent les autres. Il pose ses limites.

Et c’est quand on est capable de se gérer soi, qu’on a suffisamment confiance en soi qu’on devient alors véritablement capable de porter attention et se dévouer à l’autre. Etre parent c’est être capable de réconforter ou conseiller un ami, quand il en a besoin. La personnalité du parent ne s’active pas automatiquement en devenant biologiquement et administrativement "parent". Etre parent, c’est soutenir l’autre, accompagner l’autre sur SON chemin à lui, et pas en l’obligeant à prendre le nôtre ou celui qu’on imagine être bon pour lui.

Pour résumer, l’enfant est caractérisé par la dépendance : l’enfant demande.

L’adulte par l’autonomie : l’adulte prend, se sert.

Le parent par le dévouement (pas la dévotion...): le parent donne.

Ces 3 niveaux de personnalité étant structurés et activés entre 0 et 25 ans, théoriquement, on jongle avec les 3 au cours d’une journée :  être capable de jouer, de faire des bêtises et rire comme un enfant 10 minutes autour de la machine à café, danser devant la glace, puis revendiquer et défendre ses droits et valeurs comme un adulte devant son chef, et le soir réconforter un ami qui en a besoin.

Mais des fois, ça coince… Comme on l’a vu plus haut, la dépendance est caractéristique du niveau de personnalité de l’enfant. Le dépendant affectif a bien développé les 3 niveaux de personnalité, mais par « confort »,  il reste dans celui de l’enfant. En effet, à bien y réfléchir, il y a des avantages à être un enfant : on ne prend pas de décision donc on n’en prend aucune mauvaise, on n’échoue pas puisqu’on n’entreprend rien, on se fait porter en quelque sorte… Et on s’évite du stress

Alors que certaines personnes sont bloquées dans la personnalité de l’enfant, il y en a évidemment d’autres qui le sont dans celle du parent et qui ont tendance à vouloir gérer la vie des autres… Alors, quand ces 2 là se rencontrent… : c’est un jeu de rôles qui se met en place.

La solution… : arrêter de jouer!

Pour s’en sortir, il faut arrêter ce petit jeu et sortir du rôle de l’enfant pour s’élever dans les 2 autres niveaux de personnalité.

Avant toute mise en place d’une stratégie ou d’un plan, qu’il soit commercial, militaire, ou médical, il est indispensable d’accepter la situation. Accepter ne signifie pas être d’accord, mais reconnaître que c’est ainsi, reconnaître les faits, la situation, les forces en face de nous, reconnaître ce à quoi nous devons nous confronter. Pour cela, il faut identifier les raisons pour lesquelles nous restons dans cette personnalité d’enfant. Souvent elles trouvent leur origine dans l’enfance :

- enfance mal sécurisée (sentiment d’abandon, de rejet, de mal faire, d’incompréhension, ou trauma plus sérieux) : Exemple : un adulte qui dit « mon compagnon m’a abandonné » : NON, ce sont les enfants, les animaux qu’on abandonne. Un adulte n’est pas abandonné, il est quitté !

- ou enfance trop sécurisée voire castratrice où l’occasion n’a pas été donnée à l’enfant de s’émanciper, donc d’utiliser librement le mode adulte. Le drame des parents étouffants et dominateurs est que pour combattre la manipulation, l’enfant devra faire de la peine à quelqu’un dont le seul tort est de vouloir être gentil avec lui. Comment se rebeller contre quelqu’un qui ne souhaite que vous faire du bien ?

Donc tout cela passe par la nécessité de faire un état des lieux de notre enfance. Quel enfant étions-nous ?  Comment cet enfant a-t-il été accueilli, accompagné par les adultes autour de lui ? Quels masques portions-nous pour être celui qu’on attendait ? Bon élève, ne pleure jamais, vaillant, toujours souriant, ne se plaint jamais… Mais tout cela, était-ce VRAIMENT nous? ou ce qu’on attendait de nous ?

Toutes ces peurs de mal faire, angoisses d’être seul, cette capacité à supporter l’insupportable sont du fait de cet enfant peureux qui n’a pas trouvé la sécurité suffisante pour être ce qu’il est vraiment. Il est maintenant nécessaire de tendre la main à cet enfant intérieur et de le réhabiliter. Il s’agit de s’émanciper de l’image parentale et d’activer en soi l’adulte qui saura accueillir cet enfant et lui apporter l’amour et la considération qui lui ont tellement manqué. Cet enfant ne s’est pas toujours senti aimé de manière inconditionnelle, et peut-être même a-t-il douté qu’il était digne d’être aimé ?

Cet enfant a pu se sentir déstabilisé, perdu, en échec dans ses relations avec les adultes. L’adulte que nous sommes doit lui prouver son amour inconditionnel, son écoute, sa compréhension et accueillir la spontanéité de cet enfant intérieur.

En parallèle, il est nécessaire de travailler l’Estime de Soi. La valeur de l’estime de soi dépend de la distance entre la personne qu’on croit être et celle qu’on rêve d’être. Plus cette distance est grande, moins on s’aime. Donc il est nécessaire d’œuvrer dans sa vie pour réduire cette distance en travaillant sur les 2 extrémités :

- D’un côté, en  identifiant et s’éloignant des personnes qui nous font croire qu’on est mauvais, nul, médiocre, incapable… Bref des personnes qui tirent vers le bas. 

- Et de l’autre côté en ayant des ambitions raisonnables et réalisables. On va donc se méfier et s’éloigner des « modèles » de perfection trop beaux pour être vrais (magazines, séries TV, stars de cinéma, publicité, image de la famille parfaite, de la femme parfaite…) : Bref on évite de trop tirer vers le haut !

Ce qu’on peut mettre en place concrètement

- Lister par écrit tout ce que l'on a déjà accompli dans sa vie (sans négliger les petites choses) sans l'aide de personne.

- Lister ses capacités et compétences : Un poisson ne sait pas grimper aux arbres, et un ouistiti ne nage pas le 100m nage libre, donc vous aussi vous avez des domaines de prédilection!

- Prendre au quotidien des initiatives sans demander de conseils ni de validation : changer les meubles de place dans la maison, changer de coiffure sans demander d’avis préalable à vos proches, ...

- Se planifier une journée ou demi-journée « 100% perso », portable éteint, en la consacrant à ce que l'on aime vraiment faire et sans rendre de comptes à quiconque : lecture, massage, thalasso, rando en forêt, écouter de la musique fort et danser. S’émanciper de l’appel de l’hyper connectivité pour s’accorder du temps à Soi.

- Ne plus répondre spontanément quand on vous demande du temps, un service ou de l’argent : Prendre un temps de réflexion et le formuler à l'autre : « Je vais réfléchir, je te réponds demain ». L’autre entendra « Tu n’es pas une priorité dans ma vie… »

- Ne pas devancer les demandes et les désirs de l'autre (même de ses enfants), mais attendre qu'ils soient formulés et se demander s'ils sont acceptables pour vous et si l'on a vraiment envie de les satisfaire.

- Ne pas attendre que les autres aient donné leur avis pour livrer sincèrement le sien au lieu de se rallier à la majorité.

- Éviter les « Tu m'aimes ? », « Tu penses à quoi ? », « Tu étais avec qui au téléphone ? », qui expriment davantage sa dépendance et sa fragilité que son amour.

- Prendre le temps de se féliciter et de fêter ses petites et grandes victoires sur sa dépendance.

Dans cette entreprise de libération de la dépendance affective, il est tout à fait légitime d’avoir besoin de se faire accompagner. Entreprendre une thérapie, c’est prendre sa vie en main et mettre en place des rendez-vous rien que pour soi, c’est un acte d’adulte, c’est surtout valoriser (avec de l’argent) notre bien-être (combien je vaux ? à combien je m'estime?). L’accompagnement du psy permettra d’identifier et accepter les racines de notre dépendance. Ce travail de reconnexion avec notre enfant nous permettra de trouver notre propre chemin de vie et la ressource pour y avancer de manière autonome. Le psy est un compagnon de route sur notre propre chemin, le temps de prendre confiance pour continuer le chemin seul.

Chaque individu a son propre chemin de vie à défricher. Il peut sembler parfois, d’un prime abord, plus confortable de suivre un chemin déjà ouvert par quelqu’un, voire parfois même en tenant la main de cette personne. Cependant, il y a un moment où ne pas être sur notre chemin nous rattrape car nous ne trouvons aucune satisfaction dans les paysages que nous traversons, et nous nous éloignons de plus en plus de notre quête personnelle. C’est là qu’il devient important pour soi d’oser ouvrir son propre chemin pour découvrir des paysages qui nous réjouissent, vers un but qui fait sens pour nous.

« Si tu cherches la personne qui changera ta vie : Regarde dans le miroir ! » Christophe Willem.

Bibliographie:

"A la Recherche des Câlins perdus" - Jiulio Cesare Giacobbe

"L'Estime de Soi" par "Et tout le monde s'en fout"