Manifeste d’une psyplette

Pour une pratique engagée et humaniste.

16 Novembre 2018

Je suis une psyplette car je suis une psy qui pratique l’écoute active, c’est à dire une psy qui parle ! 

L’image caricaturale du psy taiseux avec des lunettes qui bougonne dans sa barbe quelques « Mmmmm…. », « Ahhhhh… » et qui répond systématiquement aux questions du patient « à votre avis ? » ou « qu’est-ce que vous en pensez, vous ? » me semble bien obsolète et périmée de nos jours. Cette pratique appelée « l’abstinence » a été mise en place par les successeurs de Freud à la fin du XIXème siècle, alors que le père de la psychanalyse lui-même ne la pratiquait pas puisqu'il parlait et échangeait beaucoup avec ses patients. 

Laisser le patient dans le silence me semble tellement cruel, et le mutisme est si peu constructif... 

Si certains silences sont utiles, fondateurs et chargés de sens, il me parait important d’apporter ma contribution d’énergie à l’échange avec le patient. Le patient vient chercher un accompagnement pour trouver des réponses, le psy se doit alors de bouger pour le suivre. La parole n'est-il pas le propre de l’Homme ? Bien évidemment, je n’ai aucune réponse précise et tranchée aux questionnements des patients, mais j’interagis, je me pose tout haut des questions, je cherche avec lui, je reformule, je propose des pistes de réflexion, des hypothèses, parfois des conseils (pas des injonctions!) de sorte à ce que le patient puisse obtenir la ressource et l’énergie nécessaires pour donner sens à sa recherche. C’est précisément ce qui est attendu d’un thérapeute de contribuer à la recherche du patient.

C’est quoi une psy engagée ?

On dit souvent, et à raison, que le succès d’une thérapie repose pour beaucoup sur l’engagement et l’implication du patient. Mais une thérapie est un travail d’équipe (patient + psy) et une équipe fonctionne bien quand tous les membres sont engagés. Qu’en est-il de l’engagement du psy ?  Je suis engagée au sens où je suis honnête et sincère en consultation. Si une situation ou un récit m’émeut, il m’arrivera parfois d’avoir les yeux brillants et de ne pas contenir à tout prix mon émotion. Certains praticiens jouent la "neutralité bienveillante" au prétexte de devoir "tenir une distance thérapeutique " pour ne pas influencer le cheminement et le libre arbitre du patient. La pertinence de ce dogme est questionné par quelques thérapeutes (voir la réflexion de Jeanne Siaud Facchin dans « S’il te plait, aide moi à vivre : Pour une nouvelle psychologie ») et j’en fait partie. Je pense que les personnes viennent en consultation pour trouver de la chaleur et de l’humanité. Je ne souhaite pas cacher à mes patients ce que je ressens de leur histoire. Ma vérité à leur écoute contribue, de mon point de vue, à la justesse et l’authenticité de leur cheminement vers leur vérité.

Il m’arrive aussi parfois de parler de moi. L’académisme voudrait que, aux yeux du patient, le psy soit un être neutre, aseptisé, éthéré presque, dépourvu d’émotions et d’histoire. Mais alors, comment encourager notre patient à s’émanciper de l’idéal de la perfection si nous lui faisons croire que nous sommes cet être neutre qu’il peut bien idéaliser à l’envi ? Donc, avec parcimonie, brièveté et justesse, et uniquement quand cela me parait opportun, il m’arrive de parler de mon expérience, de mes problématiques, de mes questionnements.

Mon éthique est empreinte d’humanisme, au sens où je place l’humain au centre de ma pratique. 

Avoir une pratique humaniste ça consiste en quoi ?

D’abord d’être ponctuelle en ne gâchant pas le temps des personnes qui souhaitent me rencontrer pour avancer dans leur vie à les faire feuilleter des revues périmées dans une salle d’attente. Sauf événement sérieux et indépendant de ma volonté, si vous avez rendez-vous à 17h, vous passerez à 17h ! Je pense qu’à notre époque, ça mérite d’être souligné.

Pour assurer ma ponctualité, je ménage des temps de régulation entre mes rendez-vous qui permettent à l’entretien en cours de se terminer quand il doit vraiment se terminer. Si la personne est en train de comprendre quelque chose ou de traverser une émotion éprouvante, il est, à mon sens, contre-thérapeutique, de l’interrompe au prétexte que son temps est précisément terminé et que le patient suivant attend. Ce serait comme demander à une femme sur le point d’accoucher de serrer les cuisses, d’attendre et de revenir la semaine prochaine.

Ces temps de régulation me permettent également de faire véritablement une coupure entre 2 personnes et de prendre le temps de sortir d’une histoire pour pouvoir véritablement accueillir la suivante. Ce temps me permet de préparer l’entretien à venir en relisant mes notes ou en méditant quelques minutes. C’est un gage de la qualité de l’attention que j’offre au patient.

Cette latence permet également d’assurer au mieux la confidentialité de la démarche de chacun en évitant que les patients puissent se croiser.

Une pratique humaniste c’est aussi proposer des séances au juste prix. J’ai choisi un format de séance de 1h30 car j’estime que c’est le temps nécessaire pour entrer et plonger véritablement dans un échange, et éviter de rester en surface. Beaucoup de thérapeutes proposent des séances de 50 minutes, pour pouvoir poser des rendez-vous toutes les heures. Cela me parait trop court : on a juste commencé à s’installer dans la conversation qu’il faut se quitter, je trouve ce rythme très frustrant et je me demande si on a vraiment le temps de plonger?

Par ailleurs, je propose un tarif de consultation que j’ai calculé de sorte à pouvoir vivre de mon activité : me nourrir, me loger, m’habiller, m’offrir quelques divertissements, payer mes factures… Et oui une psy a une vie tellement normale ! J’ai choisi ce métier pour en vivre, pas pour capitaliser dessus. Mon véritable enrichissement, il est dans l’échange avec mes patients et dans leurs témoignages de mieux-être et remerciements. C’est dans ces moments-là que la différence entre réussir dans la vie et réussir sa vie devient claire.