Le Non-Choix

ou le choix de ne pas choisir

12 Janvier 2018

Que ce soit par facilité, par incapacité ou par fatalité, certaines personnes ne posent pas de choix. Elles se laissent porter par les choix que font les autres pour elles, ou par les circonstances de la vie qui s’imposent à elles. Qu’il s’agisse d’une pathologie ou d’une philosophie de vie, ne pas choisir ne constitue-t-il pas un choix en lui-même ?... 

« Choisir, c’est renoncer » est une citation attribuée à André Gide. Il semblerait que ceux qui ne savent pas choisir, ne veulent en fait surtout pas renoncer. En effet, c’est effrayant et angoissant de renoncer. Écarter une seule possibilité, c’est éradiquer des milliers de conséquences en chaîne possibles dont certaines potentiellement extraordinaires. Devoir choisir nous rappelle qu’on ne peut pas tout avoir, que nous ne sommes pas tout-puissants, et nous invite à ne pas nous comporter comme des enfants gâtés. Choisir c’est accepter de gérer la frustration de ne pas tout avoir : tendance un peu à contre-courant dans notre société sur-consumériste !

Au-delà du renoncement, choisir implique de prendre la responsabilité de faire un mauvais choix et de ses conséquences. Ainsi, ne pas choisir est une manière pour la personne de se déresponsabiliser de ce qui lui arrive dans la vie, d'être victime de ce qu’elle traverse. Certaines personnes n’existent qu’en étant Victime ; elles tirent des bénéfices secondaires de cette situation : on s’intéresse à elles, on s'active autour d'elles, on s’apitoie, on les écoute, c'est leur manière d'attirer la lumière sur elles… Tout cela se joue de manière inconsciente et rejoue des scénarios engrammés depuis l'enfance ("je pleure = on s’intéresse à moi") donc si on ne peut pas parler de philosophie de vie, il s’agit d’une certaine manière d’un mécanisme psychique bien rodé dans lequel la personne est enfermée. Le non choix fait partie de la stratégie de vie de la Victime pour maintenir son état.

« Quand on s’abstient de choisir, on s’abstient de vivre la vie qu’on voudrait »                   Laurent Gounelle.

Cependant en ne posant aucun choix, on renonce à l’affirmation de Soi en refusant purement et simplement d’une part, de se questionner sur ce que l’on souhaite vraiment et d’autre part, de l’assumer, de le porter. « Tu préfères de la glace à la vanille ou à la fraise ? Peu importe, comme tu veux… ce qui reste... » On a bien une préférence, non? Poser un choix lorsque nous y sommes invités n’est pas de la revendication, il s’agit simplement d’exercer son droit d’exister et d’être considéré (comme le droit de vote en quelques sortes). L'excès d'obséquiosité qui consiste à laisser choisir l'autre dans de telles circonstances peut trahir la crainte de déplaire en risquant de poser un choix qui pourrait décevoir ou ne pas arranger l’autre. Cette crainte de décevoir ou d'un éventuel conflit renvoie à une tendance à la dépendance affective. « Etre absolument celui que l’autre attend que je sois » renvoie à la période où enfant, dépendant des parents, nous redoutions de perdre leur amour, et nous faisions donc en sorte de toujours leur plaire quitte à prendre sur soi « Tu as vu j’ai fait tout comme tu m’as dit… Tu as vu j’ai été sage... »

Accepter de choisir c’est accepter de vivre. Accepter de vivre notre vie avec ses succès et ses échecs, ses joies et ses peines, ses grands bonheurs et ses petits malheurs et réciproquement.

L'assemblage de nos Vies constitue une symphonie composée de choix qui se succèdent les après les autres, s’accordent les uns avec les autres comme des notes de musique. Ne pas choisir revient à se condamner au silence et à renoncer à jouer sa partition au prétexte qu’on pourrait faire quelques fausses notes… Objectivement quelle est la conséquence de quelques fausses notes dans toute une symphonie jouée par 7 milliards de musiciens?

En nous exerçant avec notre instrument, c’est-à-dire en acceptant d’aller à la rencontre de nous-mêmes pour mieux nous connaitre, la sonorité de nos notes s’améliorera au sens où nous serons en mesure de faire des choix de plus en plus justes. 

Musique...! "Je ne sais pas choisir" - Emilly Loizeau: https://www.youtube.com/watch?v=b4-N4aAJxUw