La dépression

Maladie ou... Chance de sa Vie?

19 Janvier 2021

5 à 15% de la population française passeraient par un épisode dépressif chaque année, soit 3 millions de français concernés. Les femmes sont 2 fois plus que les hommes exposées à la chronicité et à la rechute.

La dépression est une maladie dite muette car ses symptômes sont rarement apparents. Elle touche le psychisme, la subjectivité, c’est le mode de pensée qui se met à fonctionner au ralenti. La perception du monde en est modifiée, la personne devient moins optimiste et la domination pessimiste tord la réalité. L’image de Soi est altérée : sentiments de honte, culpabilité, renvoient à l’idée de folie. Il y a nécessité d’une prise en charge médicale et psychologique.

La dépression : maladie ou chance de vie ?

Sans en minimiser l’impact, essayons d’aborder la dépression comme un événement positif dans la vie.

D’abord, pourquoi y a-t-il autant de dépressions (ou burn out) aujourd’hui ? Est-ce la maladie du XXIème siècle ?

On connait tous autour de soi, une personne affectée par la dépression. 1 français sur 5 est concerné par la dépression au moins une fois dans sa vie (10% pour les hommes, 20% pour les femmes). La durée moyenne d’une dépression est de 45 mois (soit presque 4 ans !). 

Sur les premiers mois de l'année 2021, derrière le COVID (cas avérés, cas contacts et gardes d'enfant malade du COVID confondus), les motifs d'arrêt maladie sont les accidents ou traumatismes (21 %), puis les troubles psychologiques (dépression, anxiété, stress) et épuisement professionnel (burn-out), qui représentent ensemble 19 % des cas d'arrêts.* 

Du côté de la Sécurité Sociale, 50% des arrêts maladie concernent la dépression, la consommation d’antidépresseurs augmente en France de 5% tous les ans, 10% des français consomment des antidépresseurs.

La dépression multiplie par 30 le risque de suicide. Il est avéré le caractère trans-générationnel de la dépression.

Que s’est-il passé pour en arriver là?... La société a changé très rapidement depuis la Révolution Industrielle. Tous ont pensé que les machines rendraient les hommes plus heureux en rendant le travail moins pénible. Et ensuite le capitalisme a laissé penser que l’argent ferait notre bonheur.

Une mutation sociale importante est apparue dans les années 1980 : on parle de performances, on se dépasse, on se surpasse, on entreprend… En 1988 est publié « Le guide des 300 médicaments pour se surpasser physiquement et intellectuellement ». Ce livre fera scandale car il plaide ouvertement sur le droit au dopage et exacerbe la société de compétition. Dans les années 80, il faut se doper, dépasser ses limites et en même temps, être bien dans ses baskets, détendu, bronzé toute l’année ! On a tous en tête l’image de Bernard Tapie, beau, bronzé, en pleine forme et à qui tout réussi grâce à ses piles "Wonder".  https://www.youtube.com/watch?v=xiz4JEEJbR4

Bref, on n’a plus le droit d’être triste, ni d’avoir le cafard, ni même d'échouer parfois. La subjectivité de l’être est brimée. Mais où est la personne dans tout cela ??? Elle est décentrée, perdue.

Aujourd’hui, le monde est dans ce mouvement, les attentes ne font qu’augmenter, le rythme s’accélère toujours, et pourtant il faut toujours être au top… La dépression est la contrepartie pathologique d’une nécessité de rester adapté et créatif dans ce mouvement. Le système craque quand le sujet n’a plus la souplesse de s’adapter au changement (social ou personnel).

Aujourd’hui, la raison majeure de la dépression est qu’il y a tellement de liberté (notion d’illimité, de tout compris, "c’est trop", …) que l’individu ne se sent pas à la hauteur.

Il existe un véritable tabou autour de la dépression. La dépression est masquée, on (se) cache la vérité. Néanmoins, elle peut s’exprimer de diverses manières.

- Somatique : maux de tête, douleurs dorsales, fatigue, manque d’énergie, trouble du sommeil

- Laisser-aller général : ne plus prendre soin de soi et de son environnement, défaut d’hygiène.

- Addictions : alcool, médicaments, psychotropes (on cherche à apaiser son angoisse)

- Maladies physiques graves ou chroniques : diabète, cancer, AVC…

Les personnes dépressives utilisent souvent la justification mentale pour se cacher leur état :

- Problème de travail, ou d’argent, ou d’amour ("quand je rencontrerai qqn je serai mieux") : on cherche à l’extérieur une cause pour justifier ce qui ne va pas en Soi.

- Culpabilité : "c’est de ma faute, je suis bon à rien…" On justifie son mal-être.

C’est la dynamique vitale qui est affectée dans sa globalité. La personne n’est plus dans la vie. Fédida décrit la dépression comme une « Expérience de la vie morte ». En effet, la personne n’habite plus son corps, sensation d’anéantissement, d’immobilisation et ressasse une plainte pauvre et répétitive, détachée, sans affect. 

Pourtant paradoxalement la dépression atteste d’une vie psychique puisqu’elle s’est mise en place pour amortir les chocs de l’existence. C’est une sorte de pause dans le cheminement. 

La dépression pourrait nous dire « Arrête, tu n’es pas sur le bon chemin, tu t’épuises pour rien : fais une pause ! »

Le travail thérapeutique consiste à ranimer la vie de l’intérieur et à remettre la personne sur sur SON chemin de vie.

Finalement la dépression est un signifiant, un signe de bonne santé mentale, le signe que quelque chose ne fonctionne pas, une sorte de « warning » comme pour signaler une automobile en panne.

Comme le propose Georges Romey dans son livre « Le Rêve Éveillé Libre », la dépression est « Un bien heureux désastre ou une recomposition psychique » : Comme en Alchimie, la nécessité de passer au noir avant de créer l’œuvre !

La dépression est l’occasion de guérir son enfant intérieur qui a été malmené. Il s’agit de faire le deuil de son passé, de devenir enfin Soi, cette personne qu’on a toujours été au fond de Soi mais sans avoir osé vraiment l’être.


Cet article a été inspiré par la conférence donnée par Audrey de La Grange lors des Rencontres du Rêve Éveillé Libre du 27 Septembre 2015

* https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/le-covid-premiere-cause-des-arrets-de-travail-des-salaries-du-prive-de-janvier-a-mai-1344613