L'incestualité

Le viol psychique

26 Août 2021

Photo du tournage du clip de "Lemon Incest" par Tony Franck, photographe.

Qu’est ce qu’un climat incestuel ?

Paul Claude Racamier le définit comme une ambiance intrafamiliale où il y a confusion des places et des rôles entre les différents membres de la famille. Cette confusion est ressentie par l’enfant comme une indifférenciation, ce qui l’empêchera de s’autonomiser. Les besoins propres à l’enfant sont bafoués à la faveur des besoins exclusifs du parent, ce qui porte par conséquence préjudice au développement de l’enfant. Le parent affectivement carencé (de par son histoire d’enfant à lui), autocentré va adresser ses demandes à l’enfant, lequel sous son autorité n’ose pas ou n’envisage pas de s’y soustraire. Les demandes ne sont pas explicitement sexuelles puisque incestuel signifie inceste moral : l’enfant est violé psychiquement dans son être et pas dans sa chaire. L’enfant, en bon petit enfant obéissant, va faire de son mieux et même au-delà, pour répondre aux besoins du parent. Malheureusement ces demandes sont souvent des demandes affectives inappropriées et souvent confusantes pour le développement psychique de l’enfant.

Le point commun entre incestuel (viol psychique) et incestueux (agression sexuelle) est l’incapacité du parent de poser les limites et l’interdit de façon très claire et respecter la place de l’enfant dans la famille.

Concrètement…

L’incestuel est dans les attitudes relationnelles et les gestes du quotidien qui sont trop souvent intrusifs. Par exemple, un père qui bise sa fille à la commissure des lèvres (simple bise ou invitation au baiser ?), une mère qui fait remarquer à son fils qu’il a un « gros paquet » maintenant (ma mère m’envisage-t-elle sexuellement ?), laver son enfant à un âge trop avancé (soin ou caresses ?), lire le journal intime de son enfant, un père trop concerné et impliqué dans la puberté dans sa fille et qui la conseille dans le choix de sa lingerie. Dans une maison incestuelle, il y a rarement de verrous aux portes, même aux toilettes et dans la salle de bain. D’ailleurs, souvent toutes les portes sont ouvertes, on utilise les toilettes porte ouverte et la salle de bain a une allure de hall de gare aux heures de pointe même si une personne prend sa douche. On entre sans précautions dans les chambres des uns et des autres sans frapper ou encore plus pervers, en frappant mais sans attendre l’autorisation d’entrer !

Il existe 3 déclinaisons d’incestualité :

Le plus phagocytant est l’empêchement de l’enfant en tant qu’individu car il est là uniquement pour servir le narcissisme défaillant de ses parents. L’enfant est un objet (nié dans ses besoins), tantôt un faire-valoir (regardez comme MON enfant est beau, intelligent, brillant: le parent s'approprie les succès de l'enfant), tantôt une sorte d’esclave (pour rendre la vie du parent confortable: ménage, soins, massage, tenir compagnie...). Il restera tardivement auprès de son parent (30 ans, 40 ans, plus…), dans une relation qui ressemble plus à de la haine qu'à de l'amour, jusqu’à sacrifier la possible réalisation d’une vie de couple : il restera dévoué au besoin du parent jusqu’à la mort de celui-ci, et parfois même au-delà.

Une forme intermédiaire est celle où l’enfant parvient à se réaliser en tant qu’être mais en restant à une place inappropriée par rapport à un/les parents : confident intime, soutien du parent, surtout en cas de séparation où l’enfant peut avoir l’impression de faire couple avec le parent, d’autant s’il est invité à partager le lit avec ce parent.

Et enfin, le parent installe une relation érotisée et inappropriée avec l’enfant, usant de son tout-pouvoir parental, et avec souvent des menaces, du chantage, et parfois de la violence. Cette forme de relation est une relation d’abus, qui s’installe très tôt et, dans le développement du psychisme de l’enfant, une confusion entre sexualité et tendresse, câlin et érotisme… Ce qui pourra emmener l’enfant à être abusé sexuellement, que ce soit au sein de la famille ou à l’extérieur, puisqu'il ne sait pas poser de limites concernant son intimité.

En tout état de cause, quelque soit sa forme, l’incestuel est une relation d’emprise et d’abus sur l’enfant. L’adulte use et abuse de son autorité et de son ascendance parentale pour obtenir de l’enfant la satisfaction de ses besoins inhérents à son narcissisme carencé et défaillant.

Si l’incestuel a des conséquences physiques et morales dommageables sur ceux qui le subissent, et constitue objectivement une forme de maltraitance, il n’est pas reconnu par la loi. C’est la raison pour laquelle il est important aujourd’hui de prévenir et éduquer les parents et les candidats à la parentalité sur le sujet. Lorsque l’on reconnait ce climat au sein de sa famille, il est primordial de se tourner vers un psychologue ou tout thérapeute formé et à l’aise sur le sujet pour clarifier la situation et mettre en place un climat plus sain avec les enfants. C’est le parent qui fait une thérapie, pas l’enfant. 

L’enjeu de la thérapie est la réparation du narcissisme carencé du parent pour qu’il puisse mettre en place une relation appropriée avec son enfant et prendre la responsabilité de ses besoins par ailleurs.

Si on est témoin d’une relation inappropriée entre un enfant et son/ses parents, TOUT ADULTE (famille, amis, intervenants dans la famille -médecin, psy, infirmière…) est responsable de la protection de l’enfant. L’enfant n’a pas conscience de la toxicité de l’environnement dans lequel il baigne, donc il ne se plaint pas; et le parent, carencé et centré sur son besoin n’a pas conscience du préjudice qu’il cause à son enfant. On peut en parler aux parents, ou consulter un psy pour être conseillé et accompagné dans l’attitude à tenir.

Ce qui est important c’est de savoir que l’incestualité existe, qu'elle est silencieuse et délétère, savoir la reconnaitre, en parler et la dénoncer pour mettre en place des relations plus saines.

Les conséquences de l’incestualité sur l’enfant devenu adulte sont souvent les mêmes que celles de l’inceste, elles tournent fréquemment autour des difficultés dans la sexualité (vaginisme, frigidité, éjaculation précoce…), et dans la relation à l’autre (dépendance affective).


Article inspiré de la définition de l’incestualité donnée par Robert Courtois, psychiatre et maître de conférences en psychologie clinique et psychopathologie.