Etre Parent:

Vocation ou rôle de notre vie?

07 Octobre 2018

Je reçois souvent en consultation des témoignages d’insatisfaction dans la relation parents- enfants. L’instinct maternel ou paternel est-il une évidence ? L’amour et l’instinct maternels ou paternels procèdent-ils « naturellement » et s’activent-ils dès que 2 êtres engendrent un enfant ? 

Réciproquement, suffit-il d'engendrer biologiquement un enfant pour développer une capacité à materner ou paterner ?

Je reçois souvent des témoignages de personnes qui n’ont manqué de rien de fondamental, voire qui ont même été gâtés matériellement de la part de leurs parents : ils ont pu faire des études, ont toujours été correctement vêtus, nourris, éduqués et ils n’ont jamais été maltraité physiquement, mais… ils se trouvent relativement insatisfaits, voire parfois déçus ou même en colère de leur relation à leurs parents. Qu’ont-ils bien à leur reprocher ? Que leur manquent-ils ?

En fouillant, il semblerait qu’ils ressentent un vide, une part d’eux qui n’a pas été remplie… d’Amour ! Dans son livre "L'Amour en plus", Elisabeth Badinter, professeure agrégée de Philosophie, démontrait dès le début des années 80, que l’Amour maternel relevait davantage d’un comportement social évolutif selon les époques que d'un instinct naturel à proprement parler. Néanmoins le sujet dérangeait et dérange toujours…

Il semblerait qu’ils existent 2 manières d’être parent.

Imaginez Brad Pitt qui joue le rôle d’un sérial killer dans un film. C’est un serial killer qui ne peut s’empêcher d’égorger les femmes blondes qu’il croise…

Quand vous regardez le film, vous frissonnez et vous angoissez d’avance quand Brad Pitt rencontre une jeune femme blonde. Il incarne parfaitement le rôle et vous, vous vous laissez pleinement porter par le film et vous y croyez fermement: il va la tuer et votre stress grandit. Vous jouez le jeu en quelques sorte. Parce que, quand vous le souhaitez, vous pouvez vous dire "Bah ce n'est qu'un film", et vous prenez une distance telle que les scènes vous font ni chaud, ni froid... Mais vous jouez le jeu, ça vous arrange d'y croire.

Pourtant quand le moteur de la caméra s’arrête, que le metteur en scène dit « Couper, on la tient, elle est bonne ! », que Brad Pitt a défait son maquillage et son costume de serial-killer et qu’il retourne à sa vie d’homme, il n’a aucune pulsion qui le pousse à égorger les jeunes femmes blondes qu’il croise dans la rue. Il va quitter le plateau, passer faire quelques courses à Cocci-Market, sourire à la caissière blonde et rentrer chez lui paisiblement embrasser sa femme et ses enfants. A aucun moment, il ne ressentira la pulsion d’égorger la caissière car il n’EST pas un serial-killer, il ne fonctionne pas psychiquement comme un serial-killer.

Quelle est la différence entre Brad Pitt et un véritable serial-killer ?

Brad Pitt est un acteur : IL JOUE LE RÔLE d’un serial-killer, c’est son métier et ça lui rapporte même de l’argent et la reconnaissance de faire ça. Sauf que, même s'il incarne le rôle à la perfection, IL N'EST PAS un serial-killer, il ne raisonne intrinsèquement pas comme un serial-killer. Il imite juste très bien le serial-killer, et vous, vous reconnaissez son talent et vous jouez le jeu, vous le laissez vous embarquer dans cette émotion.

Il peut en être de même pour certains parents. Ils répondent socialement à ce qu’on attend d’eux en tant que parents, ils sont inattaquables, on ne peut rien leur reprocher en terme de soins mais ils ne SONT pas intrinsèquement des parents. Ils jouent une sorte de script et c'est la société qui leur a précisé ce qu’on attendait d’eux. 

Cependant quand arrive un moment d’improvisation, que l’enfant émet une demande « originale » hors script, ils doivent improviser… et c’est là qu’ils sont démasqués, que l’imposture tombe.

"Grandir avec l'absence d'une imposture qui danse" - Les Brigitte ("Mon intime étranger")

Quand vous respirez, vous ne vous en rendez pas compte, vous le faites pour vous, inconsciemment et instinctivement, sans vous poser de questions et sans attendre à être félicité de le faire. Le véritable instinct maternel ou paternel est de cet ordre-là : "Je SUIS père, je SUIS mère et je n’attends rien en retour, c'est simplement l'ordre des choses: je transmets ce qui m'a été transmis". Mais quand cet instinct n’est pas dans la nature de l’être et que l’enfant est là, il doit jouer le rôle de parent, et énergétiquement ce jeu lui coûte. Donc en retour, comme Brad Pitt, il s’attend à être reconnu dans son effort, et peut même espérer que sa performance soit valorisée : ce qui est évidemment inconcevable pour l’enfant !

Que nous soyons parent ou enfant, il est important de regarder objectivement quel parent nous sommes ou à quel parent nous avons affaire.

Si nous sommes enfant de parents qui n’ont jamais été habités par cet instinct, nous ressentons ce vide d’amour. Recevoir le témoignage de notre parent qui reconnait ne pas avoir été connecté avec cet instinct donne sens et légitimité à ce sentiment. Enfin, l’enfant en soi se sent reconnu dans son insatisfaction et peut alors s’autoriser à remplir son vide d'Amour à une autre source.

Reconnaître en tant que parents que nous n’ayons jamais été agis par cet instinct est le plus cadeau qu’on puisse faire à son enfant. Si nous ne sommes pas responsable que cet instinct ne se soit pas éveillé en nous, notre enfant n'est pas plus responsable de ne pas l'avoir éveillé. A travers le dialogue et l'échange bienveillant, on le libère de la culpabilité de n’avoir pas su éveiller chez ses parents l’Amour dont il avait besoin.

Bibliographie:
"L'amour en plus" -Elisabeth Badinter
"Vipère au poing" - Hervé Bazin
"Mon intime étranger" - Brigitte (chanson)