Et si on s'aimait...

Sans condition.

17 Mai 2019

La confiance en Soi est la capacité à se sentir capable de faire, de tenter quelque chose, qui nous est utile quand il y a une demande de notre environnement. La confiance en Soi est indissociable de la confiance en les autres puisque l’humain est une espèce sociale. La confiance en Soi est liée à l’action : Sans confiance en Soi, aucune action ne peut être posée, et réciproquement, plus on agit, plus on renforce sa confiance en Soi. La confiance en Soi s’enracine dans l’estime de Soi. Estimer une personne, c’est ressentir pour elle un sentiment favorable qui s’étaye sur la bonne opinion que l’on a de la valeur ou du mérite de cette personne. De la même manière, l’estime de Soi dépend du regard que l’on porte sur Soi sur notre valeur et notre mérite. Ce regard est évaluatif (donc empreint de jugements) et subjectif (donc des erreurs de discernement sont possibles).

La bonne estime de Soi est souvent difficile à doser. Un excès d’estime de Soi, par exemple, engendre trop d’amour propre, souvent nuisible à notre capacité à relationner. L’estime de Soi dépend uniquement d’une auto-évaluation de Soi. Or, paradoxalement, des sondages ont démontré que, interrogé individuellement, à 90% chacun se sent un peu meilleur que les autresOui, je pense que globalement je conduis mieux que la moyenne », « Oui, je pense que je suis plus consciencieux que mes collègues dans mon travail », …) et pourtant, par ailleurs tout le monde affirme d’un seul cœur douter de soi.

Pourquoi les souffrances d’estime de Soi existent-elles ? Et pourquoi persistent-elles ?

Puisque souvent, il suffit de comprendre le pourquoi d’un problème pour s’en libérer, détaillons les facteurs bio-psycho-sociaux  qui influencent l’estime de Soi. Dès la naissance, de façon innée, il existe des différences de tempérament entre les êtres. Ensuite, l’histoire avec les parents va venir nuancer et influencer l’estime de Soi. Un lien « secure » avec les parents et un amour ressenti comme inconditionnel par l’enfant (c’est-à-dire sans condition, au-delà de son obéissance, de bons résultats scolaires…) favorise une bonne estime de Soi : il se sent davantage aimé pour ce qu’il est que pour ce qu’il fait : ce point est un fondement essentiel de la bonne estime de Soi. Devenu adulte, ce sera la pression sociale qui viendra relayer l’influence de l’attitude parentale et éducative. Le culte de la performance excessive actuelle nuit considérablement à l’installation d’une bonne estime de Soi.

Quels sont les mécanismes de l’Estime de Soi ?

La bonne estime de Soi est fort utile car elle a fonction de résilience et de cicatrisant psychique naturel. Ainsi elle permet de faciliter l’engagement dans l’action car elle limite la peur de l’échec. Une bonne estime de soi permet de s’impliquer en se disant « Je me lance, si j’échoue, je m’en remettrai. » L’estime de Soi permet de s’inscrire dans sa singularité, d’assumer son avis même s’il est original et marginal, et de s’opposer à la majorité. De ce point de vue, l’estime de Soi est indispensable pour ne pas souffrir de la dictature larvée des autres. Les statistiques démontrent que dans les séances de votes à main levée, dans 30 à 60% des cas, on vote pour ce que la majorité vote. C’est la raison pour laquelle le vote est secret et doit le rester.

Une bonne estime de Soi permet de dire « Je suis désolé, mais je ne pense pas que… » 

L’estime de Soi est souvent haute ou basse. On recherchera strictement une bonne estime de Soi, celle qui permet d’estimer aussi les autres en tenant compte et en respectant l’écosystème social dans lequel on vit. Une estime de Soi correcte qui permette de faire face à l’adversité tout en ne prenant pas la grosse tête au succès. Toutefois l’estime de Soi est naturellement instable puisque directement influencée par les événements de notre vie. Cependant l’amplitude de cette instabilité varie selon les personnes. Plus l’amplitude et l’impermanence de l’estime de soi est importante,  plus l’inconfort voire la souffrance psychique se fait ressentir : c’est le syndrome de l’imposteur. Une forte instabilité de l’estime de Soi à la tendance haute définit plutôt des personnalités narcissiques (qu’on ne voit que rarement en cabinet), une grande instabilité de l’estime de Soi à la tendance basse définit plutôt des personnalités névrotiques (qu’on rencontre en consultation). Ne nous y trompons pas : Une haute estime de Soi n’est pas une bonne estime de Soi. La haute estime de Soi est souvent fragile et précaire, à l’image d’une tour très haute et effilé qui vacille et menace de s’effondrer au moindre coup de vent.  Ce sont des personnalités qui ont tendance à monopoliser la parole, à aimer parler d’eux longtemps, qui se mettent facilement en colère en cas d’échec ou de critique et qui vivent de manière relativement autocentrée. D’où l’utilité d’éduquer nos enfants à la critique, à la frustration, et à l’écoute de soi et de l’autre. 

Une bonne estime de Soi s’acquiert en nourrissant régulièrement et sainement le sentiment de compétence et de reconnaissance. Il a été établi dès 1902 par le sociologue Charles Horton Cooley que « tout ce qui augmente l’acceptation sociale augmente (un peu) l’estime de Soi ; tout ce qui diminue l’acceptation sociale diminue (beaucoup) l’estime de Soi. » Pour faire baisser l’estime de Soi d’une personne, rien de plus efficace que de la « mettre au placard », l’isolement social est un facteur important de baisse estime de Soi: Stratégie de gestion du personnel fort contestable mais pratiquée par certaines entreprises pour rendre un employé « incompétent » et s’en séparer facilement… En effet, si on y réfléchit bien, un être humain seul et isolé est minable. Il n’a pas de griffe, ni de croc, ni de zébrures, il ne court pas à 120km/h, il ne sait pas grimper agilement aux arbres. Mais comment a-t-il pu devenir la race dominante de cette planète ? Uniquement par son aptitude à coopérer, à travailler en tribu, à se sociabiliser. La force de l’être humain est donc la socialisation.

Si la socialisation est sa force, en excès, elle devient son bourreau. En effet, aujourd’hui nous subissons sans doute trop de pressions sociales qui viennent perturber la régulation naturelle de l’estime de Soi. Notre estime de Soi est un peu à l’image d’un bateau qui vogue sur l’eau : nous parvenons à trouver un certain équilibre naturellement selon notre histoire, et comme un bateau par temps calme, il y a toujours un peu de roulis, ce n’est jamais parfaitement stable. La pression sociale agit sur notre estime de Soi comme si notre bateau devait sans cesse essuyer des tempêtes et des bourrasques. Cette pression sociale est caractérisée par les diktats au sujet de l’apparence physique : l’exposition de corps parfaits dans les magazines, panneaux publicitaires, films, nous fait douter de notre propre apparence et fragilise notre estime de Soi. A l’inverse de ce qu’on aurait tendance à penser, un modèle très haut, voire inaccessible, a plus tendance à dévaloriser qu’à motiver. Bref, la recherche de la perfection inhibe nos compétences et nos performances : Ne dit-on pas que le mieux est l’ennemi mortel du bien ? La comparaison excessive via l’étalage des vies sur les réseaux sociaux vient sans cesse chambouler notre estime de Soi : sa vie est mieux que la mienne, je ne vaux rien.

La comparaison et la compétition n’exercent que rarement des effets positifs sur l’estime de Soi. Ce que je suis capable de faire (mes performances) ne définissent pas ce que je suis, or un excès de comparaison et compétition tend à faire croire que ce que je produis définit ce que je suis. Échouer à un examen ne signifie pas que je suis intrinsèquement bête. Rater une recette de cuisine ne veut pas dire que je ne sais pas cuisiner du tout. La comparaison est d’autant plus sournoise qu’elle ne s’opère jamais dans l’absolu. Par exemple sur le podium, on constate que le niveau de satisfaction de Soi des compétiteurs n’est pas dans l’ordre de leur classement. Le premier est en effet le plus satisfait (normal…), mais ensuite c’est le troisième qui est le plus satisfait car il se compare au quatrième et il se réjouit d’être sur le podium. Tandis que le second se compare au premier et est déçu de n’être que deuxième. Donc arrêtons de (nous) comparer, commenter à outrance, ça évitera bien des complexes.

Curieusement, c’est en travaillant sur notre humilité qu’on installera une bonne estime de Soi

Comme nous l’avons vu, il est inutile, voire nuisible, d’avoir une trop haute estime de soi, donc il est important d’apprendre l’humilité et ce, dès l’enfance. L’humilité est le sentiment de sa propre insuffisance : prendre conscience et accepter ses limites, ses failles, ses lacunes, sa vulnérabilité, fragilité. Il est malsain de bercer nos enfants dans la toute-puissance en cédant à tous leurs désirs et en les laissant croire qu’ils sont capables de tout faire, tout avoir ; il est plus utile de leur apprendre à accepter et accueillir leurs échecs avec humilité… De la même manière, en psychothérapie, on invitera le patient à prendre conscience de ses limites, de ses erreurs, de son imperfection, de sa vulnérabilité d’être humain faillible, mais sans l’exempter de sa part de responsabilité le cas échéant. 

L’acceptation de Soi passe par une bonne estime de Soi ou l’idée d’être parfait dans l’acceptation de notre imperfection ! Accepter signifie reconnaître « c’est là », l’acceptation ce n’est pas la résignation mais le point de départ pour une action sereine visant à s’améliorer. L’acceptation de Soi demande la pratique de l’auto-compassion, c’est à dire cesser de nous agresser, flageller dans la difficulté et l’échec, mais plutôt nous auto-réconforter et auto-consoler. Douceur et bienveillance envers soi-même : nous sommes souvent très exigeants et très durs envers nous-mêmes. On ne se fait pas de cadeau, on ne se laisse rien passer ! On n’oserait jamais être aussi intransigeant envers un ami dans l’échec que nous le sommes envers nous-mêmes. Donc commençons par mettre en place un vrai lien amical avec nous-mêmes. Dans l’échec, troquons le « T’es vraiment nouille ou bon à rien » contre « Bah tu as tenté, bravo ! Regarde ce qui a péché pour corriger la prochaine fois. » Regardons objectivement ce qui n’a pas été de sorte pouvoir en tirer une leçon constructive pour pouvoir progresser, nous améliorer. Se rouspéter, s’insulter, se flageller et ruminer l’échec ne servent strictement à rien sinon à se saboter en diminuant l’estime de Soi. Peut-être avons-nous besoin de nous émanciper des principes éducatifs de nos parents que nous répétons inconsciemment et qui nous desservent ? Dans les moments de doutes et d’échecs, la connexion aux autres est importante. Comme nous l’avons déjà expliqué, l’humain est un être social qui a besoin de l’autre, qui tient sa force de sa capacité à se regrouper. L’autre (ami, compagnon de vie, frère, sœur, thérapeute…) nous renvoie souvent une image plus juste de nos souffrances que nous avons souvent tendance à minimiser ou au contraire amplifier. Il est essentiel de donner la juste  place à notre douleur. La dénier serait se donner l’illusion d’être intouchable, invincible ;  lui donner toute la place serait lui donner le pouvoir sur notre vie en endossant le statut (statue ?) de victime. Il s’agit d’avoir un rapport équilibré à nos souffrances, pertes, échecs et de leur donner leur juste place… 

Travailler sur l’estime de Soi et passe inexorablement par l’action. On ne peut pas changer son estime de Soi simplement en réfléchissant, et sans passer par un engagement dans l’action. A l’issue de ces actions, on étalonnera l’estime de Soi en se réjouissant de nos succès sans s’en glorifier, et en acceptant nos échecs sans se dévaloriser. Le pire ennemi de l’engagement dans l’action est l’évitement. En effet, la meilleure solution pour ne pas échouer est de ne pas tenter… « Celui qui n'essaie pas ne se trompe qu'une seule fois » assure Véronique Sanson. Cet évitement est le premier obstacle à surmonter.

A l’opposé, il s’agit de savoir aussi se désengager quand c’est nécessaire, quand malgré la persévérance aucun résultat profitable ne vient. Avoir l’humilité de reconnaître s’être trompé d’engagement, de ne pas être en mesure de relever ce challenge. Il s’agira par exemple de ne pas s’enliser dans des relations amoureuses destructrices, dans un travail qui nous détruit psychiquement et/ou physiquement, ...

Et enfin, accepter que l’action entreprise aboutisse à un échec. La sagesse s’acquiert dans les échecs, pas dans les succès. Un adage zen dit que « celui qui a atteint son but a manqué tout le reste. » Nos échecs, nos petits accidents, nos blessures sont les briques de l’expérience qui nous rendent plus sages, plus expérimentés. Si les succès permettent d’améliorer la confiance en Soi, les échecs permettent de stabiliser l’estime de Soi (et éviter de prendre la grosse tête, ce qui pourrait finir par nous mettre à l’isolement social).

Derrière les problématiques de confiance en Soi se cache surtout une mauvaise estime de Soi. L’estime de Soi est à remanier en prenant de la distance avec les injonctions de perfection, de réussite, de comparaison, compétition distillées par la société actuelle… Nous sommes pour nous-même la première personne à satisfaire en termes de bien-être. Qui mieux que moi saura prendre soin de moi ? Qui, à par moi, peut faire de moi une priorité dans sa journée ? Apprenons l’auto-acceptation et l’auto-compassion. L’estime de Soi ne se repositionnera à sa bonne place qu’à travers l’engagement dans l’action qu’il soit soldé de réussite, de désengagement ou d’échec. C’est la succession de ces résultats qui rééquilibre confiance en Soi et estime de Soi. Pour tout cela, ne perdons pas de vue que la relation aux autres est fondamentale puisque nous sommes avant tout un être social. La clé est : 

Demandons de l’aide, du soutien à l’autre et remercions-le. 

Apportons de l’aide, du soutien à l’autre et acceptons sa reconnaissance.

Article inspiré de la conférence du Docteur Christophe André – l’estime de soi 

Et du livre « L'estime de soi : s'aimer pour mieux vivre avec les autres son livre » de Christophe André et François Lelord.