S'aimer

« Tu aimeras ton prochain comme toi-même »

11 Octobre 2020

« Tu aimeras ton prochain comme toi-même » Qui ne connait pas cette maxime de l’Evangile ? Mais que signifie-t-elle? Et qui l’applique VRAIment ?

L’égoïsme et l'amour-propre font légion dans notre société. Mais sont-ils l’expression de l’amour de Soi véritablement ? L’amour de Soi consiste justement à ne surtout pas se prendre pour la 8ème merveille du Monde ou un être supérieur. 

Quand je ressens amertume ou déception envers moi-même, ou le sentiment de ne pas être à la hauteur de mes ambitions (« t’es vraiment nulle ma pauvre fille ! »), de mes idéaux (« je suis moche car j’ai des grosses cuisses. »), ou la sensation de ne pas être conforme, normal physiquement ou moralement, c’est l’expression que je ne m’accepte pas tel que je suis et que j’accepte mal mes limites, mes failles, mes imperfections, mes défauts. Je suis en colère ou déçu de moi-même car je ne suis pas parvenu à devenir la personne que j’avais projeté d'être, que ce soit vis-à-vis de moi-même ou vis à vis des autres. Chacun, a en tête, un plan, une stratégie, pour être une personne idéale, parfaite : le mari ou l’épouse parfaite, le parent parfait, le collègue idéal, le professionnel irréprochable, bref un être qui fait l’unanimité. Or cette vision de soi-même est une vision hyper ambitieuse, voire même idéale donc inaccessible… sauf si l’objectif est d’être un Dieu !

Pendant que je travaille à ce projet de devenir une Divinité, je ne suis pas dans l’amour de moi, car cette vision erronée de moi-même signifie que je ne me suis pas suffisamment attardé sur qui je suis véritablement et/ou que je ne m’accepte pas dans mon humanitude et ce qu’elle comporte comme caractéristiques et limites. 

S’aimer, c’est donc d’abord prendre contact et faire la paix avec notre humanitude : je suis un être humain né le 12 Novembre 1978 de Mireille et Jacques, parents eux-mêmes humains (puisque imparfaits !), donc je ne suis pas un Dieu tout-puissant. Ouf, ça diminue la pression ! Je peux me détendre car en conséquence, j’ai des limites, des failles, des imperfections, des incapacités. Mais j’ai aussi besoin de prendre conscience et d'accepter ma finitude : je suis vulnérable, imparfait, sensible donc mortel

Accepter de faire des erreurs est une relation à Soi plus honnête, plus vraie et plus saine que de (se) faire croire d’être parfait. 

Quand j’ai conscience de mon humanitude et de ma finitude, je peux enfin me traiter avec considération et respect. Je suis souvent envers moi-même mon pire bourreau. Je me traite comme je n’oserais jamais traiter mon pire ennemi : j’aurais bien trop peur des conséquences et éventuelles représailles. Je ne me pardonne rien, je me condamne de manière expéditive, je me malmène, parfois je m’insulte, je me fais passer au second voire énième plan. 

Me traiter avec respect, c’est être mon propre meilleur ami. Me respecter passe par la nécessité d’être à l’écoute de mes besoins fondamentaux. D’après la pyramide de Maslow, nos besoins de base sont une alimentation suffisante et saine, un sommeil réparateur, un environnement sain, et une sexualité satisfaisante. Concrètement, cela consiste à m’apporter le meilleur en choisissant ce qu’il y a de mieux pour moi, présentement, dans chacun de ces domaines fondamentaux. Préférer une alimentation saine (donc souvent plus coûteuse) à un téléphone dernière génération, préférer partir et vivre seul qu’avec un partenaire qui ne me respecte pas… S’honorer ne veut pas dire se gâter à outrance et faire des caprices de star, cela signifie s’apporter le meilleur du moment dans ce qu’il y a d’essentiel. Il s'agit de faire preuve de discernement entre besoin et désir. Si je ne respecte pas et n’honore pas mes besoins fondamentaux, mon corps va fatiguer et souffrir.

S’aimer c’est savoir s’accorder de temps et s'honorer : prendre 3 minutes le matin pour me presser une orange et en déguster doucement le jus, prendre 10 minutes pour prendre un café au soleil entre deux rendez-vous, rester 5 minutes sous la douche à juste ressentir l’eau ruisseler sur ma peau, me masser les pieds pendant 15 minutes après une journée de Salon, écouter mon morceau de musique préféré au casque, me choisir une étole d'une matière douce pour en ressentir la caresse dans mon cou… Vous voyez, rien de capricieux ni d’impossible, et surtout rien qui n’exige le concours et le consentement de l’autre. 

J'ai juste besoin de ma propre attention.

S’aimer consiste justement à ne pas systématiquement faire passer les besoins de l’autre avant les miens. Par exemple, une mère de famille rentre de sa journée, fatiguée, et à peine rentrée et déchaussée, elle se trouve face à l’exigence de son petit qui veut lui réciter sa poésie tout de suite et maintenant. Objectivement, comment pourra-t-elle être présente et attentive à son fils si elle ne s’octroie pas d’abord quelques minutes de répit ? S’aimer et considérer la demande de l'enfant consistera à dire « D’accord, mon chéri, dans quelques minutes. Je rentre du travail, je me sens fatiguée, et j’ai besoin de quelques minutes pour moi, et je serai avec toi dans 10 minutes quand la grande aiguille sera sur le 5, d’accord ? » 

S’aimer, c’est tenir compte de Soi en parallèle du besoin et de la demande de l’autre. 

S’aimer passe aussi par apprendre à dire « Non », donc désobéir ! De mon enfance, j’ai retenu que dire « Non » pouvait être très dangereux et insécurisant, car il suscitait la déception, l’irritation de l’autre (enfin de mes parents et éducateurs…), dire « Non » pouvait engendrer des sanctions, représailles (punitions) et entrainer un conflit duquel je sortais rarement vainqueur. A présent, je suis adulte or j’ai conservé mes peurs d'enfant: peur de décevoir, déplaire, d’être rejeté en disant « Non » à la demande de l’autre. J’ai juste peur que l’autre ne m’aime pas ! Or on n’a peur que l’autre ne nous aime pas, uniquement quand on ne s’aime pas soi-même. En effet, puisque je ne m'aime pas, si l’autre ne m’aime pas non plus, qui va alors m’aimer ?  Donc je me laisse embarquer dans la volonté ou le besoin de l’autre même quand tout à l’intérieur de moi crie « NON ». C’est une manière de faire de l’antijeu envers moi-même et de me malmener. Je suis mon propre bourreau. 

Paradoxalement, je ne saurai VRAIment dire « Oui », que quand je saurai dire « Non ». Un « Mouais » n’est pas un VRAI « Oui », il est un « Non » déguisé car non assumé.

Quand je ne m’aime pas, au lieu de VRAIment communiquer avec l’autre, je suis perpétuellement dans le questionnement « Que pense-t-il de moi ? ». Donc, en réalité, je suis surtout concentré sur la perception que l’autre a de mes défauts et imperfections plutôt que sur ce qu’il a à me faire partager. Bref, je n’apporte aucune ou très peu d'attention à l’autre car je suis parfaitement égocentré ! Aussi paradoxale et déroutant que cela puisse sembler, les gens qui ne s’aiment pas sont égocentriques. Quand je suis en paix avec moi-même dans ma condition d’être humain, je suis alors disponible pour écouter l’autre, VRAIment.

Pour conclure, aimer son prochain comme soi-même signifie de d'abord s’aimer inconditionnellement, dans son imperfection et ses limites, et ensuite d’accueillir et accepter l’autre dans les siennes. C’est en me positionnant avec justesse en tant qu’être humain, que je mesure et comprends la nécessité de considérer, respecter et honorer mes besoins. Quand j’ai pris conscience de la nécessité de ce mode de fonctionnement et que j’y contribue en prenant soin de mon être et de mon environnement, je m’inscris dans un courant favorable qui me permettra de me réaliser avec les autres. 

Ce n’est pas réussir à faire quelque chose qui me rendra intrinsèquement heureux, c’est faire ce qui me rend heureux qui m’assurera la réussite.




Article inspiré de l'entretien de Chantal Rialland: "Vivre sa divinité intérieure."